lundi 29 octobre 2012

Le cas Luca




Poète sans papiers

 
 
 
     Ghérasim est né à Bucarest en 1913. Il fonde et s'investit dans le cercle surréaliste roumain avec, entre autres, Tristan Tzara. Il s'installe à Paris dans les années 50 : il connaissait déjà la France où il avait traversé les terres des surréalistes gaulois ou d'ailleurs. Il y poursuit la construction d'une oeuvre plastique et poétique originale.
     Sa manière de modeler la langue française est remarquée. Par les poètes mais aussi par un philosophe tel que Gilles Deleuze. On peut entendre plusieurs poèmes de Ghérasim lus par lui-même : de manière touchante et avec sobriété, il éclaire la richesse et la complexité de ses créations.
     En 1994, après avoir vécu en France pendant quarante ans comme "apatride", il est expulsé de son appartement. Ayant déjà fui la Roumanie au milieu de son âge, voilà qu'il subit l'insensible bureaucratie d'un pays qui se dissimule derrière d'officielles "raisons d'hygiène". Ghérasim se jette dans la Seine quelques jours plus tard. "Il n'y a plus de place pour les poètes en ce monde" écrit-il à sa femme dans une lettre d'adieu. Il nous reste une oeuvre dont la portée ne cesse de croître.
 
 
     Voici un petit film autour de son poème "Quart d'heure de culture métaphysique" : un titre parmi tant d'autres qui révèle son goût pour le double langage. Il existe bien sûr des illustrations plus officielles et, surtout, plus abouties, de l'oeuvre de Ghérasim Luca. Je demande donc la plus grande indulgence au spectateur devant ce modeste hommage.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

samedi 20 octobre 2012

Précis d'hésitation



 
     Encore maintenant, sur le point de poster ce billet d'humeur, je me dis qu'il vaut mieux ne rien faire. Trop tard, j'ai cliqué, je me dis que je le regretterai. Mais peut-être pas.
     La plupart des situations n'ont pas d'importance réelle pour une personne réelle. Si, malgré leur futilité, elles réclament un choix, on n'est plus qu'étonnement et incompétence. Ou parfois non. Je ne sais pas. Si un quidam offre son avis, moi je l'adopte aussitôt. Et si un deuxième quidam y va de son avis, je me convertis encore. Toujours de l'avis du dernier quidam ! Ou alors pas toujours, de temps en temps seulement. Parfois oui, parfois non. Je n'en suis plus sûr. A quoi bon s'appesantir : un choix qui n'a ni sens ni importance ne me ferait que perdre mon temps en hésitations. Ou peut-être pas.
     Une situation qui a du sens, ce n'est pas fréquent, mais en voici une : je descendais les poubelles au local et que vis-je trônant puant sur un tas d'immondices ? "Précis de décomposition" de Cioran ! Cocasse coincidence, hein ? Eh bien devant le lourd symbole malodorant, je n'ai pas hésité, j'ai sauvé l'ouvrage de son destin funeste.
 
 
 
 
Merci djPessoa de m'avoir sauvé !
 
 
 

      Une situation qui n'a pas de sens, c'est un peu chaque moment. Ou peut-être pas. Tout de même, rien de plus fatiguant que d'être oppressé par une situation ou par son prochain qui attend qu'on élise un geste, une opinion, parce que ce ce vilain prochain est robotiquement préoccupé, incapable de réaliser la valeur nulle de son questionnement et de son choix à venir. N'est-ce pas ? Est-ce oui ?
     L'idéal serait d'avoir le sens chevillé au corps, comme c'était le cas pour un Epictète ou un Diogène. Jamais d'hésitation car chaque moment vécu est un paradigme du sens de la vie. Jamais d'hésitation car chaque moment vécu est un choix pleinement mesuré. Alors que pour le commun bohomme que je suis, l'éternité c'était toujours hier. Ou demain peut-être ? Je ne sais pas. 
 
 

 
Je l'ai retrouvée.
Quoi ? - L'humanité.
C'est dla merde mêlée
Au soleil !
 
 
 
 
 
 
 



mardi 16 octobre 2012

Donner ou ne pas donner

 


Mendiant accroupi - XXVIIIème - G. Traversi
 
 
                « Il faut supprimer les mendiants car on s'irrite de leur donner et on s'irrite de ne pas leur donner. » (Aurore)
      J'ai toujours apprécié l'ire humoristique de Monsieur Nietzche. En fait j'apprécie l'ire de qui que ce soit dès qu'elle a pour mission sacrée de chatouiller les maxillaires. Cependant Monsieur Nietzche cherchait-il vraiment à ce que nous nous bidonnassions ? J'ai peur, soudain, que le ténébreux Teuton ressentît quelque irritation sincère à la vue des mendiants. Comment lui en vouloir après tout ? Toi, soeur internaute, toi frère webesque, n'as-tu pas la même réaction contradictoire face au mendiant ?
      Hé ! ne ressens-tu pas quelque colère devant ton indifférence de surface que picote l'inactif mendigot ? Ne te rebelles-tu pas devant ton coeur qui parvient si facilement à s'anesthésier ? Bref, ne te courrouce-t-elle point, ta passivité monstrueuse, tellement opposée à tes idéaux, tes valeurs et tes rêves ?
      D'un autre côté, si tu donnes, ne ressens-tu pas une autre colère sourdre en toi ? La faiblesse et la sensiblerie dont tu as fait preuve ne te plongent-elles pas dans une humeur sombre ? Le dérisoire de ton geste, la minuscule portée de ton acte de charité, l'inutilité, somme toute, de ton attitude, cela ne te dégoûte-t-il pas ?
      J'ai minutieusement analysé ces idiosyncrasies rigolotes. Bin ouaip, pardi, pourquoi s'irriter de donner ou non au mendiant qui, lui, se moque de ces questions existentielles, se contentant naïvement, peut-être, de survivre ? Je questionne car j'imagine que toi qui me lis, gentille internaute, amène surfeur, tu brilles encore de quelque reliquat humain et te questionnes itou... Mais que je ne m'égare et revienne à mon pourquoi :
      Pourquoi ? Parce que notre rôle humain n'est pas d'accomplir un geste ponctuel devant un être en marge de la société et réduit à un état insupportable. Notre rôle humain, le seul et unique rôle dévolu à notre nature profonde, c'est de relever le frère humain en détresse, puis de le porter, un mois durant, un an durant s'il le faut, jusqu'au moment où il sera de nouveau capable d'assumer une place digne parmi les siens. Oui, point gaffe ne fis-je : notre unique rôle humain est d'agir comme aurait agi le Christ.
      Notre coeur humain le sait, notre rôle, et c'est pour cette raison qu'il est... écoeuré. Confrontés au mendiant, nous nions notre propre grandeur humaine pour des raisons plus vagues qu'un terrain. Vite ! le film va bientôt commencer, il y aura bientôt la queue au restaurant, si t'es feignant t'as qu'à crever, moi mes sous, je les ai mérités, bref tout ce qui nous a transformés en serviteurs automates d'un hédonisme sans saveur.






 

samedi 13 octobre 2012

Il y a tant



    Après l'hommage rendu par Nietzche au vers souriant du Rig Veda ("Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui"), après l'hommage rendu par Frankin au soleil souffrant de notre émétique humanité ("Idées noires"), dj Pessoa devait y aller de son papotage, à défaut d'une aubade qui dépasse ses capacités psycho-morales.

Lever du soleil - Caspar David Friedrich
 
 
 

Il y a tant



Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui
Tant de rêves encore attendent leur rêveur
Et tant de robinets qui n'ont pas encore fui
Et tant de lapinous vont droit sur le chasseur

Il y a tant d'amours qui naîtront après nous
Tant d'espoirs exaucés vivront dans l'avenir
Tant de balles attendent de briser un genou
Tant de foules se forment pour chasser le martyr

Il y a tant de zieux qui n'ont pas encore vu
Tant de bombes encore qui n'ont pas explosé
Il y a tant de poèmes qu'on n'a pas encore lus
Il y a tant de villes pas encore rasées

Il y a tant de ladies qui n'ont pas encore joui
Tant de mâles en rut qui violeront encore
Tant de soleils joyeux n'ont pas encore ébloui
Tant de cancers taquins déformeront nos corps

Il y a tant de peaux qui n'ont pas encore cuit
Sous les fumées d'usine et les vents nucléaires
Tant de jolies famines commenceront cette nuit
Pour engraisser le troupeau des fous du billet vert

Il y a tant de familles qu'on n'a pas encore tuées
Tant d'enfants pas encore réduits en esclavage
Il y a tant de vie qui n'est pas encore née
On a déjà construit ses chaînes et ses cages
 
 
 


 
 


mardi 2 octobre 2012

Boîte à zizik tzigane



    Dans ces Hautresc Hoses, jamais je ne publierai de zizik ou de kliklip de groupes prestigieux tels que Queatles, Quink Floyd et autres splendides Quouines : connus dans l'univers, éternels déjà, que feraient-ils de ma prose tordue ? Alors oui, c'est un crève-coeur de ne pouvoir célébrer le lyrisme musculeux des Quouines, la superbe du regretté Farrokh, ma fascination pour leurs chefs-d'oeuvre, oups, ne viens-je donc pas de mi-mettre ?
 
   Dans ces Hautresc Hoses, je tiens à présenter des artistes, des penseurs et hautresc faiseurs qui besognent sur la face cachée de la lune, ou alors dans les souterrains, ou encore dans le grenier d'un théâtre oublié... Qu'ils soient totalement inconnus, ou seulement connus d'un public d'initiés, ou même reconnus d'une micro-partie privilégiée de l'humanité, voilà ce que j'attends d'eux pour les louanger le temps d'un surfage heureux.
 
    Aujourd'hui, dans le sillage des Quouines, je présente quatre garçons dans le Volk (de plus, une polo ! ) : les Porkka Playboy qui, grâce à cette performance Hautresque, ont acquis quelque réputation sur la Toile. Mais trève de patata, place aux artistes :
 
 

Is this just Fantasy ?